Abstract

Les produits de contraste iodés hydrosolubles actuellement utilisés contiennent une concentration d'iodures libres inférieure à 50 μg/ml au moment de leur fabrication.

Cette concentration peut augmenter avec la durée de stockage du produit de contraste (1).

La quantité d'iodures reçue lors d'une injection de produit de contraste peut représenter jusqu'à 50 fois l'apport journalier recommandé qui est de 150 μg par jour.

Suite à l’administration de ces produits de contraste iodés, des anomalies de synthèse et de libération des hormones thyroïdiennes peuvent survenir (hypothyroidie ou hyperthyroidie).

I. Rappel physiologique :

En présence de quantités croissantes d'iode, la production thyroïdienne s'accroît jusqu'à un maximum, puis se réduit du fait d'un blocage de l'organification des iodures (effet Wolff-Chaikoff), et réaugmente après quelques jours par échappement (2, 3).

A. Hypothyroïdie suite à l’administration d’un produit de contraste iodé :

Chez certains individus, tout particulièrement en cas d'anomalie mineure de la biosynthèse hormonale ou de thyroïdite auto-immune, il n'y a pas d'échappement au blocage de l'organification.

Survient alors une hypothyroïdie, parfois discrète (augmentation isolée de TSH), parfois plus franche (baisse de T4 libre (T4L), augmentation de TSH) de durée variable (4).

B. Hyperthyroïdie suite à l’administration d’un produit de contraste iodé :

A l'inverse, l'excès d'iodures peut déterminer une hyperthyroïdie : Soit fonctionnelle lorsque le parenchyme thyroïdien est remanié par des nodules fonctionnels dont l'activité augmente du fait de la disponibilité accrue en iode.

Soit toxique sur glande saine ou pathologique, où l'excès d'iode est susceptible de déterminer une dilacération de la structure vésiculaire, libérant le contenu hormonal dans la circulation (thyroïdite iodée) (5).

II. Aspect Clinique :

1. Enfant et nouveau-né :

Dans cette population, l’administration d’un produit de contraste iodé risque de causer surtout une hypothyroïdie.

Les conséquences de la carence hormonale sont particulièrement délétères chez le nouveau-né et le nourrisson, puisque les hormones thyroïdiennes sont fortement impliquées dans le développement statural et intellectuel.

  • Nouveau-né prématuré (avant 37 semaines d'aménorrhée) le risque d’une hypothyroïdie est particulièrement élevé, surtout si le prématuré est de petit poids (6,7), même après une dose minime (0,3 ml de produit de contraste iodé) (8).
  • Nouveau-né dont la mère a reçu une injection de produit de contraste iodé pendant la grossesse (9). Le dépistage néonatal systématique permet d'identifier les éventuelles hypothyroïdies.
  • Nourrisson (29 jours à 2 ans) souffrant d’un syndrome polymalformatif congénital chez qui l'injection d'une quantité importante de produit de contraste iodé pour l'exploration d'une cardiopathie risque de déséquilibrer un métabolisme thyroïdien précaire (10).

2. Adulte :

L’utilisation d’un produit de contraste iodé risque de causer une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie.

Adultes à risque d'hyperthyroïdie :

  • Hyperthyroïdie actuelle, non traitée.
  • Antécédent d'hyperthyroïdie (notamment par maladie de Basedow).
  • Goitre multinodulaire, en particulier dans les situations de carence iodée, chez les sujets âgés (11).

L'hyperthyroïdie favorise la survenue de troubles du rythme cardiaque ou d'incidents coronariens.

Adultes à risque d'hypothyroïdie :

  • Sujets atteints de thyropathie auto-immune, non substitués par l'hormone thyroïdienne.

III. Recommandations et conduite pratique :

Enfants :

Chez le nouveau-né prématuré ou de petit poids, l'injection de produit de contraste iodé doit être discutée, et un examen d'imagerie alternatif peut être proposé.

Si l'indication d'injection est maintenue, il est recommandé d'utiliser la dose efficace la plus faible possible, puis de contrôler la fonction thyroïdienne la semaine suivante.

Le dosage à réaliser est celui de la thyrotropine (TSH) complété seulement en cas d'anomalie par celui de la thyroxine libre (T4L). Il conviendra de traiter l'hypothyroïdie persistante.

En unité de néonatalogie ou de réanimation, il est préférable de recourir à l'utilisation de cathéter radio-opaque afin d'éviter l'injection de produit de contraste iodé pour contrôler la position du cathéter (6, 7, 8).

Adultes :

Patient devant bénéficier prochainement d'une scintigraphie thyroïdienne ou d'un traitement par l'iode radio-actif :

  • Commencer par la scintigraphie ou l'injection thérapeutique d'iode radioactif avant l'injection de produit de contraste iodé au scanner.
  • A défaut, retarder la scintigraphie ou l'injection thérapeutique d'iode radioactif d'au moins deux mois après le scanner avec injection de produit de contraste iodé (1).

Patient hypothyroïdien sous traitement substitutif : l'injection de produit de contraste iodé n'entraîne pas de problème particulier.

Contre-indication à l'administration d’un produit de contraste iodé :

  1. Contre-indication absolue à l'administration de produit de contraste iodé :

    Hyperthyroïdie non traitée ou non équilibrée (risque d'aggravation). En situation d'urgence, recourir à un autre procédé d'investigation.

  2. Contre-indications relatives et précautions d'emploi :

    Chez les patients présentant une thyroïdite auto-immune, un goitre nodulaire, un antécédent de maladie de Basedow ou d'hyperthyroïdie liée à une surcharge iodée, l'administration d'un agent de contraste radiographique iodé est susceptible d'induire soit une hypothyroïdie, soit une hyperthyroïdie.

    Celles-ci sont ordinairement, mais non nécessairement transitoires, et s'avèrent particulièrement délétères chez les sujets âgés ou cardiaques.

    Dès lors chez ces patients, l'intérêt de l'opacification doit être discuté (l'IRM avec injection de produit gadoliné constitue une alternative possible).

    Si l'indication est maintenue, l'état de la fonction thyroïdienne est à évaluer avant, puis à contrôler par exemple entre 3 jours et une semaine et au-delà si surviennent des signes cliniques d'hypo- ou d'hyperthyroïdie.

    La mesure de la TSH est suffisante, complétée par celle de T4L seulement en cas d'anomalie de la TSH.

    Il n'existe pas de contre-indication à l'utilisation d'un agent de contraste iodé lorsque le sujet hyperthyroïdien est traité par un antithyroïdien qui bloque le

    cycle d'utilisation de l'iode.

    Aucune préparation ou surveillance particulière n'est alors à envisager.

    Lorsque le risque d'hyperthyroïdie est majeur chez un sujet fragile (âgé, cardiaque...), l'endocrinologue peut prescrire du perchlorate de potassium

    (KClO4 1g par jour par voie orale), pour bloquer préventivement la pénétration intrathyroïdienne de l'iode.

    Il pourra aussi avoir recours à un antithyroïdien de synthèse (12, 13).

References Bibliographiques :

  1. Van der Molen AJ, Thomsen HS, Morcos SK; “Effect of iodinated contrast media on thyroid function in adults”. Eur Radiol 2004 ; 14 : 902-7
  2. Wolff J, Chaikoff IL. “The inhibitory action of excessive iodide upon the synthesis of diiodotyrosine and of tyrosine in the thyroid gland of the normal rat”. Endocrinology 1948 ; 43 : 174-9
  3. Aurengo A, Leenhardt L, Aurengo H. « Adaptation de la fonction thyroïdienne à la surcharge iodée ». Presse Med 2002 ; 31 : 1658-63
  4. Wémeau JL. « Hypothyroïdies liées aux surcharges iodées ». Presse Med 2002 ; 31 : 1670-5
  5. Thomopoulos P. « Hyperthyroïdies par surcharge iodée ». Presse Med 2002 ; 31 : 1664-69
  6. Parravicini E, Fontana C, Paterlini GL, Tagliabue P, Rovelli F, Leung K, Stark RI. «Iodine, thyroid function, and very low birth weight infants”. Pediatrics 1996 ; 98 : 730-4
  7. L'Allemand D, Gruters A, Beyer P, Weber B. “Iodine in contrast agents and skin disinfectants is the major cause for hypothyroidism in premature infants during intensive care”. Horm Res 1987 ; 28 : 42-9
  8. Giroux JD, Sizun J, Gardach C, Awad H, Guillois B, Alix D. « Hypothyroïdie transitoire après opacification iodée des cathéters épicutanéocaves en réanimation néonatale ». Arch Fr Pediatr 1993 ; 50 : 585-8
  9. Webb JA, Thomsen HS, Morcos SK; Contrast Media Safety Committee, European Society of UrogenitalRadiology (ESUR). “The use of iodinated and gadolinium contrast media during pregnancy and lactation”. Eur Radiol 2005 ; 15 : 1234-40
  10. Del Cerro Marin M, Fernandez Ruiz A, Garcia-Guereta L, Benito Bartolome F, Burgueros M, Ares Segura S,Moreno F, Gracia Bouthelier R. “Thyroid function alterations in children with congenital cardiac disease after catheterization with iodinated contrast agents”. Rev Esp Cardiol 2000 ; 53 : 517-24
  11. Martin FI, Tress BW, Colman PG, Deam DR. “Iodine-induced hyperthyroidism due to nonionic contrast radiography in the elderly”. Am J Med 1993 ; 95 : 78-82
  12. Nolte W, Muller R, Siggelkow H, Emrich D, Hubner M. “Prophylactic application of thyrostatic drugs during excessive iodine exposure in euthyroid patients with thyroid autonomy : a randomized study”. Euro J Endocrinol 1996 ; 134, 337-41
  13. Wémeau JL., Bauters C, Gérard Y, Deligne A, Coviaux R, Lion G, Steinling M, Decoulx M.« Le perchlorate de potassium dans l'exploration et le traitement des maladiesthyroïdiennes ». La Rev. Fr d'Endocrino Clin. 1991; 32, 499-507

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Dernière Mise à jour : Mars 2017

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