Le syndrome métabolique regroupe un ensemble d’anomalies cliniques (Surpoids abdominal, HTA) et biologiques (hyperglycémie, hyperlipidémie) exposant à un risque accru de diabète de type 2 et d’affections cardiovasculaires (coronaropathies, AVC) (1).

L'utilisation de certains médicaments peut augmenter le risque de développement du syndrome métabolique soit en favorisant la prise de poids, soit en altérant le métabolisme des lipides ou du glucose (2). La mise en évidence des médicaments couramment utilisés qui peuvent augmenter le risque de syndrome métabolique permet de reconnaître et comprendre le risque associé à ces derniers et surveiller de manière appropriée les changements liés au syndrome métabolique.

 

  • Des antihypertenseurs: les diurétiques et Bétabloquants (βB)

Outre leur mode d’action hypotenseur, ils diffèrent par leur activité endocrinienne et métabolique. Il est admis que les IEC, les sartans et les anticalciques n’ont pas d’effet significatif sur les lipides sanguins (peut être en partie par  la sécrétion d’adiponectine[1]), alors que les diurétiques thiazidiques, les diurétiques de l’anse et les βB ont un effet délétère (3) qui s’expriment par :

  • Une insulino-résistance (2,3) ;
  • Une augmentation du cholestérol total et du LDL-C (2,3) ;
  • Une hypertriglycéridémie (2,3) ;
  • Une baisse des taux du HDL-C (2,3).

 

  • Contraceptifs Oraux :

Les œstrogènes et les progestatifs androgéniques ont un effet dose-dépendant sur la tolérance au glucose avec un plus grand impact pour les progestatifs (2).

L’influence des contraceptifs oraux sur le taux des lipides plasmatiques dépend de la dose d’œstrogènes et du caractère androgénique plus ou moins marqué du progestatif (4) :

  • Les œstrogènes augmentent les triglycérides sériques et le HDL-C et abaissent les niveaux de LDL-C (2,4).
  • Les progestatifs androgéniques augmentent le LDL-C sérique et diminuent le HDL-C (2,4).

Mieux vaut  conseiller des évaluations des profils lipidiques aux femmes sous contraceptifs oraux, et particulièrement aux femmes présentant d'autres facteurs de risque pouvant augmenter le risque de développement d’un syndrome métabolique.

 

  • Des antipsychotiques atypiques:

La prévalence de l'obésité et du diabète chez les patients atteints de maladies psychiatriques est deux à quatre fois plus élevée que dans la population générale (5). Un mécanisme a été évoqué ; activation des neurones orexigènes hypothalamiques, agissant sur la stimulation de l’appétit par les antipsychotiques (6). Ainsi, le risque de prise de poids sous antipsychotiques atypiques est plus important par rapport à un traitement par antipsychotiques classiques exposant le patient à un syndrome métabolique sans que ce soit dose-dépendant (6).

En pratique, lors  d’une augmentation égale ou supérieure à 5% du poids initial, ou en cas d’altérations significatives et durables de la glycémie et/ou du profil lipidique chez les patients sous antipsychotiques, instaurer des mesures d’hygiène de vie (régime, activité sportive, consultation diététique). Lors de telles altérations, la balance risques/bénéfices du traitement doit aussi être réévalué  (par exemple, risque de rechute de la maladie psychiatrique versus risque cardiovasculaire à long terme) afin d’évaluer l’indication d’un changement de médication (5).

 

  • Les Corticoïdes :

Les corticoïdes sont efficaces dans le traitement de nombreuses maladies systémiques, cependant ils peuvent être à l’origine de complications métaboliques et cardiovasculaires (7).Les glucocorticoïdes sont bien reconnus pour leur potentiel diabétogène (diabète cortico-induit), L’augmentation du poids corporel, le risque d'hypertension artérielle et leur effet sur le métabolisme lipidique (2).  Le syndrome métabolique rencontré avec la prise de corticoïde est lié à plusieurs mécanismes :

  • Une altération directe de la sécrétion d’insuline par effet toxique des corticoïdes sur les cellules β pancréatiques (9) ;
  • Une insulino-résistance à trois niveaux : le foie, le muscle squelettique (translocation GLUT4[2] diminuée) et l’adipocyte (9) ;
  • Une néoglucogenèse hépatique accrue (2,8) ;
  • Protéolyse et lipolyse (9).

 

Le risque de syndrome métabolique est dose dépendante et temps dépendant, d’autres facteurs de risques existent notamment (9) :

  • Doses élevées de corticoïdes : prednisolone >20 mg, hydrocortisone >50 mg, dexamethasone >4mg ;
  • Surpoids ou obésité ;
  • Diabète de Type 1 (DT1) ou Diabète de Type 2 (DT2) préexistant ou Diabète lors d'une corticothérapie antérieure ;
  • Antécédent de diabète gestationnel (ou poids de naissance > 4 kg) ;
  • Antécédents familiaux de DT2 ;
  • Age > 45 ans ;
  • Prédiabète (HbA1c entre 5,7 et 6,4 % et/ou glycémie à jeun entre 1,10 et 1,25 g/l) ;
  • Immunosuppresseur associé ;
  • Syndrome des ovaires polykystiques.

 

  • Des immunosuppresseurs :

La cyclosporine et le tacrolimus sont des agents immunosuppresseurs utilisés pour prévenir le rejet d'organe post-transplantation. Les cyclosporines peuvent provoquer une hyperglycémie par des effets toxiques sur les cellules β ou par le développement d’une insulino-résistance à l’origine d’une hyperglycémie, une intolérance au glucose et un DT2 (l’effet sur le métabolisme des glucides semble être dose-dépendant).

Par ailleurs, le mécanisme sous-jacent au développement du diabète ou d’un syndrome métabolique avec le tacrolimus n'est pas clair alors que le syndrome métabolique est le plus souvent observé avec le tacrolimus qu'avec la cyclosporine (2).

 

  • Des antirétroviraux :

Les traitements antirétroviraux se compliquent fréquemment d’effets indésirables de type lipodystrophie, d’une altération de la répartition du tissu adipeux (lipoatrophie périphérique et hypertrophie centrale), et/ou de troubles métaboliques : insulino-résistance, dyslipidémie et plus rarement troubles de la tolérance au glucose, voire diabète (2). Les deux classes de molécules antirétrovirales les plus utilisées ont été incriminées : analogues nucléosidiques (INTI) et inhibiteurs de la protéase virale (IP) (2) par des mécanismes différents mais qui convergent sur le tissu adipeux. Certaines des molécules de ces deux classes modifient profondément la différenciation des cellules adipeuses, leurs métabolismes, leur fonction mitochondriale et l’équilibre des hormones (leptine, adiponectine) et cytokines (TNFα, IL-6) qu’elles sécrètent (10).

 

Conclusion

 Le syndrome métabolique induit par les médicaments est une réalité. Alors que le mécanisme était largement méconnu, il est illusoire aujourd’hui de pouvoir prédire le risque métabolique et cardiovasculaire associé à un médicament en fonction de son profil réceptoriel.  En vue de l’irréversibilité de cet effet indésirable, la surveillance étroite pendant le traitement,  devra porter sur le poids, la glycémie, la pression artérielle et le bilan lipidique. Cette surveillance dépend des facteurs de risque trouvés avant l’instauration du traitement, des signes cliniques apparaissant pendant le traitement, et du traitement instauré (11).

 

Les professionnels de la santé doivent porter une attention particulière au choix des médicaments chez les patients en surpoids ou présentant d'autres facteurs de risque de diabète ou de maladies cardiovasculaires. Les effets sur le métabolisme lipidique et sur la glycémie peuvent diminuer l’adhérence au traitement. A cet égard, l’analyse du rapport bénéfices/risques dans l’utilisation de ces médicaments se révèle souvent délicate, nécessitant une approche multidisciplinaire impliquant médecins généralistes, psychiatres, endocrinologues, pharmacologues, cardiologues et diététiciens.

 

Référence :

  • Delarue et coll. " Le syndrome métabolique" VIe Symposium nutrition « Intervention nutritionnelle : de la prévention à la thérapeutique » - Brest, octobre 2005.
  • Marion R. et coll. ‟ Drug Induced Metabolic Syndrome”  J Clin Hypert. 2006; 8 (2): 114-119.
  • Martin R. et coll. "Effets endocriniens et métaboliques des antihypertenseurs : effets pléiotropes et conséquences dans le syndrome métabolique". Rev Med Suisse 2007 ; 3 : 681-691.
  • Pierre G. et coll. "Contraception hormonale chez la femme à risque vasculaire et métabolique: Recommandations de la Société française d’endocrinologie" https://www.sfendocrino.org/_images/mediatheque/articles/pdf/recommandations/2010%20consensus_sfe_2010_contraception_hormonale_vd.pdf. Consulté le 01 Aout2022 : 53 pages.
  • E et coll. "Suivi du syndrome métabolique induit par les antipsychotiques atypiques : recommandations et perspectives pharmacogénétiques". Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 1994-1999.
  • Winterfeld U et coll. ‟ Effets indésirables métaboliques en pédopsychiatrie ” Pharmactuel. 2009 ; 42 (2) : 5 pages.
  • Bestaoui M.H et coll. "Effets des glucocorticoïdes au cours des maladies systémiques sur les paramètres du syndrome métabolique" Rev Rhumatisme 2021 ; 88, Supplément 1:A189.
  • Genolet P. et coll. "Diabète cortico-induit, une entité fréquente sans prise en charge standardisée" Med Suisse 2012; 8 : 800-805.
  • Bastin et coll. "Diabète et corticoïdes : nouveautés et aspects pratiques" Rev Med Interne 2020 : 10 pages.
  • Capeau J. et coll. "Les lipodystrophies secondaires aux traitements antirétroviraux de l’infection par le VIH" Med Sci 2006 ; 22 : 531–536.
  • Rallo P. "Risque de syndrome métabolique sous médicaments neuroleptiques, rôle à jouer par le pharmacien". Thèse en vue d’obtention de diplôme en Sciences pharmaceutiques. 2022 :112 pages.

 
 [1] L´adiponectine est une hormone, sécrétée par les adipocytes, qui joue un rôle majeur en tant qu´adipokine antidiabétique et antiathérogène en améliorant l'entrée cellulaire du glucose et l'oxydation des acides gras au niveau des muscles et du foie. Les concentrations d´adiponectine sont diminuées dans l´obésité, l´insulinorésistance et le diabète de type 2.

[2] GLUT4 : Le transporteur de glucose 4' (GLUT4) est une protéine de la famille des transporteurs GLUT de classe I.

 

 Dernière mise à jour : Octobre 2022

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